Table ronde du 17 octobre: Témoignage poignant d’une participante
Lors de la Journée Mondiale du Refus de la Misère, Sofia* a partagé un témoignage émouvant. Entre souvenirs d’une enfance marquée par l’inégalité et réflexions sur son parcours de vie, elle revient sur le poids de la précarité, les sacrifices et l’importance de la solidarité pour surmonter les obstacles.
"Le 17 octobre m’a beaucoup touchée, car c’est un sujet qui me parle profondément. En effet, j’ai connu la précarité dès mon enfance, et dans mon esprit, j’ai toujours voulu briser ce mur. Je voyais la précarité comme le mur de Berlin qui séparait les populations en deux : d’un côté, les riches, et de l’autre, les pauvres. J’ai pris conscience de cette séparation à l’école. J’avais environ 12-13 ans, et je voyais mes camarades arriver à l’école en voiture, tandis que mon père n’a jamais pu en acheter une. Moi, je devais marcher à pied, parfois en pleurant, accablée par ce sentiment d’inégalité.
Ce n’était pas seulement à propos de la voiture, mais aussi des vêtements. Étant la huitième fille, je portais toujours les habits usagés de mes sœurs. Avoir une robe neuve qui m’allait parfaitement était un cadeau incroyable, un véritable privilège, réservé aux événements spéciaux. Je me souviens de ma première robe toute neuve, offerte pour le mariage de ma sœur. À l’époque, dans les années 60, faire tisser du tissu chez un couturier coûtait moins cher que d’acheter dans les magasins. Le jour où j’ai reçu cette robe, c’était un moment exceptionnel. Je me sentais comme une princesse, vêtue d’un habit neuf, jamais porté par personne avant moi !
"La soirée du 17 octobre a ravivé beaucoup de ces souvenirs en moi"
Au fil des années, cette petite fille a grandi, mais les souvenirs de son enfance sont restés gravés dans sa mémoire. La soirée du 17 octobre a ravivé beaucoup de ces souvenirs en moi, avec les témoignages des autres participants et les enregistrements entendus. Une vague d’angoisse a commencé à monter en moi. Je voulais prendre la parole, ressentais le besoin de m’exprimer chaque fois que le micro était donné. Mais une lourdeur s’est installée dans mon corps, et malgré l’envie, je me suis sentie paralysée. Mon enfance défilait devant mes yeux, comme un film qui s’enchaînait à toute vitesse.
Finalement, j’ai réussi à prendre la parole, à la dernière minute, in extremis, car il fallait absolument que je partage mon parcours de précarité.
Un proverbe dit : « L’argent ne fait pas le bonheur », mais pour certains, je dirais que l’argent peut effectivement rendre la vie plus facile. Nous ne demandons pas à être riches, juste à vivre dignement. En tant que maman, j’ai tout fait pour que mes enfants n’aient pas à vivre la même enfance que moi. J’ai donné tout ce que j’avais, mais ce n’était pas un combat facile.
"Des associations comme l’AFQM sont indispensables pour notre survie"
Le mot "précarité" a pour moi une dimension immense. Il porte un poids lourd de sens. Les personnes qui tombent dans la précarité en paient le prix très cher, année après année. Ils n’ont pas forcément eu une enfance facile… Avec l’âge, des blocages se forment, au niveau de la santé, de la concentration, des relations humaines. La vie devient alors plus compliquée. Cela donne l’impression de rouler à 20 km/h sur une autoroute très longue.
Je me rends compte aujourd’hui que sortir de la précarité est extrêmement difficile. Mon mari et moi avons énormément travaillé pour offrir une vie meilleure à nos enfants. Aujourd’hui, je suis séparée et je touche l'AI. J’ai l’impression de faire un bond en arrière, de revenir à mon enfance. J’ai l’impression que, quand on naît pauvre, on meurt pauvre, comme si nos racines étaient rongées par la précarité.
Des associations comme l’AFQM sont indispensables pour notre survie, pour briser ce mur de précarité. Être orientée vers des structures d’aide permet vraiment de briser ce "mur de Berlin" !
Enfin, je tiens à dire que les apparences sont souvent trompeuses. Les gens jugent vite, au premier regard. Apprenons à connaître les autres, à comprendre leur vécu, afin de pouvoir tisser de véritables liens humains."
*Sofia (prénom d’emprunt)
- Activités de l’Association