Association des Familles
du Quart Monde

Harcèlement : du silence à la reconstruction

Le harcèlement, qu’il soit vécu dans le sport, à l’école ou dans le monde du travail, laisse des traces profondes. Ce témoignage met en lumière la violence de l’exclusion, l’impact du silence et l’importance de la parole pour se reconstruire.

Le harcèlement, moi, je l'ai subi dans mon équipe de foot. Je voulais faire un sport d’équipe et un pote m’a conseillé de m’inscrire dans cette équipe. Au bout de quelque temps, toute l’équipe a commencé à s’acharner contre moi, surtout quelques joueurs. Ils me demandaient quand est-ce que j’allais arrêter, ils me disaient que j’étais vraiment nul, pourquoi je continuais, que j’étais mauvais dans l’équipe, que je faisais de mauvaises passes. Dans les douches, ils prenaient mes affaires et les mouillaient. Ils vidaient mon shampoing. Ils ont pris mon téléphone et l’ont mis dans l’eau, je n’ai pas pu le récupérer. Et à un moment, ils ont commencé à me pisser dessus.

« Même lui, l’entraîneur, me disait des trucs pas cool. »

Mon père voyait que je n’étais pas bien. Il est allé voir le coach, qui a dit que ce n’était pas son problème. Que ça se passait au vestiaire, qu’il ne pouvait pas savoir ce qui se passait au vestiaire et qu’on était assez grands. Même lui, l’entraîneur, me disait des trucs pas cool. Il avait 40, 50 ans. Pendant plus d’une année, il ne m’a pas laissé faire un seul match. Il me disait que je n’étais pas assez bon, il me dévalorisait, il ne m’a jamais dit que j’aurais pu être fort au foot. Donc ça ne m’a pas donné la force.

Je crois qu’ils ont commencé à me harceler parce qu'ils en avaient marre que je sois là, parce que je n’étais pas assez bon, pour améliorer le niveau de l’équipe. Mais je pense que c’était aussi parce que je suis différent des autres. Par exemple, ma mère ne travaillait pas, mon père est à la poste et les autres ont des boulots assez bien. Les miens, ce n’est pas nul ce qu’ils font, mais ce n’est pas la même chose que les autres. Quand on est différent des autres, c’est souvent ça.

« la meilleure chose que j’ai faite, c’est d’en avoir parlé à quelqu’un »

Ça a duré trois ou quatre ans, donc c’est long. Au début, je n’osais pas parler. J’avais peur que mon père aille voir les personnes concernées et qu’ils se vengent, et qu'après ce soit pire parce que j’avais parlé à mon père, etc. Pourtant, la meilleure chose que j’ai faite, c’est d’en avoir parlé à quelqu’un et ça a changé la donne. D’abord, j’en ai parlé avec ma psy, qui m’a conseillé d’en parler avec d’autres et m’a rassuré en me disant qu’elle n’allait pas le dire plus loin. C’est une personne en qui j’ai confiance parce que je sais que, professionnellement, elle n’a pas le droit de le dire à d’autres, c’est confidentiel. Ensuite, j'en ai parlé avec mes parents. C’est grâce à leur soutien que j’ai arrêté.

Mon pote, qui m'avait proposé de rejoindre l'équipe, me défendait quand ça allait trop loin. Mais sinon, il restait dans le groupe. Il restait un peu passif, parce que sinon ils allaient commencer à le harceler aussi. Une fois, j’ai vu que quelqu’un se faisait harceler. Une fille que je ne connaissais pas bien. Je l’ai défendue. Après, ils sont allés dire à la fille avec qui je sortais à ce moment-là que je l’avais trompée avec elle. Et ce n’était pas le cas. Moi, c’était juste une amie et personne ne l’aimait parce qu’ils disaient qu’elle était très, très moche, pas très belle, différente des autres. Moi, j’ai toujours été proche d’elle. Je voulais la défendre et pas la critiquer. Mais là aussi, j’ai été passif à des moments. Je lui donnais des conseils, de se confier à quelqu’un. Les gens qui la critiquaient, moi, je leur disais que ça ne se faisait pas. J’essayais de lui prendre la place et de faire comme lui.

Victime d'harcèlement dans le monde professionnel

Une situation similaire s'est passée des années plus tard avec mon chef. Mais cette fois-là, je l’ai dit au bout de deux, trois semaines. Beaucoup moins de temps. Mes parents voulaient réagir quand je leur ai annoncé ce qui se passait avec mon chef. Je leur ai demandé de ne rien faire parce que j’étais assez grand pour le faire moi-même. Donc j’en ai parlé. J’ai été confronté à toutes les personnes concernées par le problème, c’est-à-dire mes deux chefs, le directeur, ma conseillère. Le problème, c’est qu’ils ne m’ont pas prévenu qu’il allait y avoir ce rendez-vous. Moi, je n’ai pas pu me préparer, réfléchir à ce que je voulais dire.

Ce qui m’a dérangé, c’est que, quand j’ai dit ce qu’il m’avait fait, lui a nié. J’ai aussi dit qu’il n’y avait pas que moi qui avais vu ce qu’il faisait. Il ne savait plus quoi dire. Alors, c’est le directeur qui l’a défendu contre moi. Heureusement, ma conseillère était présente et elle m’a défendu. Elle trouvait anormal que les trois soient contre moi et que je n’aie pas pu me préparer. Sur le moment, je n’étais pas sûr de moi, j’avais peur qu’ils me jugent, en plus ils me regardaient bizarrement ou ils se moquaient un peu de moi, ils disaient que ce que je disais était faux, que je n’arrêtais pas de mentir. Après le rendez-vous, ils m’ont dit que ce n’était pas ça qu’ils voulaient. Moi, j’ai pu leur dire que ce n’était pas normal de me demander de venir sans me prévenir et qu’il aurait fallu fixer une date à l’avance. Ma conseillère ne voulait pas que ça se passe comme ça, mais elle n’a pas eu le choix. Après, elle m’a aidé à trouver un stage ailleurs pour que je puisse m’en aller.

Témoignage de X.
 

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